Une soutenance plus qu'honorable !

photo thèse Bonyi

De gauche à droite : F.Bottini, N.Nevejans, J.Dhommeaux, B.Mukaki Jr., L.Kyaboba, A.De Raulin

Monsieur MUKADI BONYI Jr a soutenu, le 28 août dernier, une thèse intitulée "La responsabilité civile du pouvoir judiciaire en droit congolais", à la Faculté de droit Alexis de Tocqueville de Douai.
Le jury lui a décerné le grade de docteur en droit privé avec la mention très honorable.

La responsabilité civile du pouvoir judiciaire en droit congolais :

1. Le jeudi 28 août 2014, MUKADI BONYI Jr. a soutenu, à la Faculté de droit Alexis de Tocqueville de Douai (Université Lille Nord de France), une thèse de doctorat en droit ayant pour titre : La responsabilité civile du pouvoir judiciaire en droit congolais.

2. Le jury était composé comme suit : i) Monsieur Arnaud de RAULIN, Professeur, Université d'Artois, Directeur ; ii)  Monsieur Fabien BOTTINI, Maître de conférences HDR, Université du Havre ; iii) Monsieur Jean DHOMMEAUX, Professeur, Université de Rennes, Rapporteur ; iv) Monsieur Léon KYABOBA K., Professeur, Université de Kinshasa / RD Congo, Rapporteur et, v) Madame Nathalie NEVEJANS,  Maître de conférences HDR, Université d'Artois.

3. Les idées essentielles développées par l’auteur sont brièvement résumées dans les lignes qui suivent. 

4. La Constitution de la RD Congo consacre le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Ce dernier pouvoir a pour mission de dire le droit. Il est dévolu aux cours et tribunaux civils et militaires et exercé par un personnel judiciaire comprenant les magistrats, les greffiers et huissiers, les officiers de police judiciaire, etc. Ils forment le service public de la justice.

5. L’étude aborde la responsabilité civile du pouvoir judiciaire en droit congolais, c’est-à-dire l’obligation incombant aux membres dudit pouvoir de répondre des dommages qu’ils causent aux usagers du service public de la justice. Ces dommages leur ouvrent droit à une juste et équitable indemnisation.

6. Après avoir examiné aussi bien le régime de responsabilité civile des magistrats qui est mis en œuvre à travers la procédure de prise à partie que celui de l’Etat, qui repose essentiellement sur les règles de droit commun, l’étude aboutit au constat suivant : telle qu’elle est organisée actuellement, la responsabilité civile du pouvoir judiciaire est inapte à remplir les fonctions traditionnelles de prévention des dommages et d’indemnisation des victimes. Malgré la multiplication des cas de responsabilité civile des magistrats devant la Cour suprême de justice- actuellement Cour de cassation-le nombre des jugements iniques n’a pas pour autant diminué. Les décisions condamnant les magistrats et l’Etat à indemniser les victimes de ces décisions iniques ne sont pas exécutées. Tout se passe comme si aucune décision de condamnation des magistrats et de l’Etat n’avait été prise.

7. Face à ce constat, l’étude propose de réformer le droit actuel de la responsabilité civile du pouvoir judiciaire pour permettre à la fois de prévenir les comportements antisociaux des magistrats et d’indemniser adéquatement les victimes du dysfonctionnement du service public de la justice.

8. Les principales propositions formulées concernent aussi bien la responsabilité civile du magistrat que celle de l’Etat.

9. Concernant le régime de responsabilité civile du magistrat, l’auteur propose de :

  1. rejeter toute idée d’instituer une immunité civile du magistrat en maintenant le principe de sa responsabilité pour faute caractérisée (dol, concussion, déni de justice);
  2. élargir les conditions de responsabilité du magistrat en assouplissant les notions de dol et de déni de justice et en incluant des nouvelles causes d’ouverture de la prise à partie, en l’occurrence la fraude, la faute lourde et la corruption ;
  3. simplifier la procédure de la prise à partie en reconnaissant la compétence concurrente  aux cours d’appel et à la Cour de cassation ;
  4. coordonner les responsabilités civile, disciplinaire et pénale  de manière à permettre l’affermissement du sens de responsabilité des magistrats et l’interdépendance entre les différentes sortes de responsabilités, spécialement la responsabilité civile et la responsabilité disciplinaire, avec comme effet dès la condamnation au civil, le prononcé des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation;
  5. renforcer la responsabilité disciplinaire par l’extension de l’échelle des sanctions disciplinaires qui inclurait, outre le blâme, la retenue d’un tiers de traitement du mois, la suspension de trois mois au maximum avec privation de traitement, la révocation, d’autres sanctions, en l’occurrence : i) le déplacement d’office, ii) la rétrogradation, iii) la mise à la retraite d’office et, iv) le retrait de l’honorariat et de l’éméritat ;
  6. adopter un Code de déontologie du magistrat permettant de mettre en œuvre les principes d’indépendance, d’impartialité, de légalité, de loyauté, d’intégrité et l’obligation de réserve ;
  7. instituer un régime disciplinaire spécifique des juges non professionnels de l’ordre judiciaire ;
  8. rendre plus dissuasive la responsabilité pénale du magistrat par : i) l’incorporation dans le Code pénal de deux nouvelles infractions spécifiques, à savoir la corruption de magistrat et le déni de justice ; ii) l’institution d’une exception préjudicielle au déclenchement de l’action publique à l’encontre du magistrat en vue de le protéger contre les actions intempestives des justiciables.   

10. Concernant la responsabilité civile de l’Etat du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice, l’auteur préconise de :

  1. instituer un régime de responsabilité civile de l’Etat dérogatoire au droit commun, c’est-à-dire un régime de responsabilité objective fondé sur la garantie des droits fondamentaux et des libertés individuelles  et conforme à la mentalité de la majorité de la population congolaise;
  2. préciser le domaine du régime de la responsabilité à instaurer aussi bien en ce qui concerne les parties en cause que les dommages pris en charge ;
  3. définir de manière claire les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat ;
  4. régler les questions relatives à la juridiction compétente, aux conditions de recevabilité de l’action et aux incidents de procédure ;
  5. alléger les procédures de recouvrement des créances dues par l’Etat à titre de réparation des dommages résultant du fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
  6. adopter une loi spécifique sur la réparation du dommage exceptionnel prévu par la Constitution ;
  7. élaborer une loi relative à l’indemnisation pour détentions provisoires injustifiées et arrestations arbitraires, en application de l’article 9.5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
  8. créer une direction autonome du contentieux chargé de liquider rapidement les dommages-intérêts  et autres sommes dues par l’Etat en cas de détentions provisoires injustifiées, d’arrestations illégales et d’erreurs judiciaires établies par la révision de procès;
  9.  favoriser le recours aux juridictions supranationales en cas d’épuisement des voies de recours internes. 

11. Toutes ces propositions militent en faveur de l’élaboration d’une loi relative à la responsabilité civile du pouvoir judiciaire ainsi que de la modification de plusieurs textes législatifs en vigueur, notamment : i) le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal ; ii)  le décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale ; iii) le décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile ; iv) la loi organique du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats ; v)  la loi organique du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation ; vi)  la loi organique du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.

12. En conclusion, l’auteur indique que l’effectivité de toutes ces lois à élaborer sera fonction : i) de leur conformité à la mentalité de la majorité de la population congolaise et, ii) de  la volonté politique réelle de faire de la justice « l’arme fatale » dans la lutte contre la misère et la pauvreté en vue de favoriser le développement économique et social de la Nation. 

13. A l’issue de sa délibération, le jury a décerné à MUKADI BONYI Jr. le grade de docteur en droit privé avec la mention « Très honorable ». 

Mukadi Bonyi Jr.
Docteur en droit
Chargé d’enseignement-A.T.E.R. (Université d’Artois)